Bill Kovach et Tom Rosenstiel, Principes du journalisme

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Bill Kovach et Tom Rosenstiel, Principes du journalisme.

Ce que les journalistes doivent savoir, ce que le public doit exiger

Les jeudis littéraires d’Aymen Hacen

Bill Kovach et Tom Rosenstiel, Principes du journalisme.

Deux auteurs, des milliers d’autres journalistes

Paru en 2015, dans une traduction de Monique Berry, Principes du journalisme. Ce que les journalistes doivent savoir, ce que le public doit exiger, vient de voir de nouveau le jour le 10 octobre 2023 dans une nouvelle édition revue et actualisée, avec Baptiste Rinner aux côtés de la traductrice initiale.

Couverture du livre Principes du journalisme de Bill Kovach et Tom Rosenstiel

L’ouvrage, véritable classique en la matière, a profité de plusieurs éditions en anglais, précisément aux États-Unis (2001, 2007, 2014 et 2021), où les deux auteurs jouissent d’une notoriété nationale et internationale.

En effet, Bill Kovach est conservateur de la Nieman Foundation for Journalism à Harvard, médiateur de Brill’s Content, rédacteur de l’Atlanta Journal and Constitution et directeur du bureau de Washington pour le New York Times. M. Kovach est le fondateur et ancien président du Committee of Concerned Journalists.

Couverture du livre Principes du journalisme de Bill Kovach et Tom Rosenstiel

Quant à Tom Rosenstiel, il a assuré la critique des médias au Los Angels Times et a été correspondant principal de Newsweek au Congrès. Il est actuellement directeur de l’American Press Institute. Ses articles ont été publiés notamment dans Esquire et le New York Times.

Couverture du livre Principes du journalisme de Bill Kovach et Tom Rosenstiel

Ensemble, Messieurs Bill Kovach et Tom Rosenstiel ont publié Warp Speed : America in the Age of Mixed Media, et Blur : How to Know What’s True in the Age of Information Overload.

Voilà qui nous interpelle d’emblée, sachant qu’à la fin du volume, dans la rubrique dédiée aux « Remerciements », nous apprenons beaucoup sur cette entreprise qui nous émerveille à la fois par son exhaustivité, sa rigueur et la probité de son approche.

Aussi lisons-nous : « Ce livre n’est pas seulement le nôtre. Il est le fruit d’années de travail du Committe of Concerned Journalists et des mille deux cents journalistes qui ont donné leur nom, leur temps et leur attention à sa création. Il est également alimenté par les plus de trois cents personnes qui ont participé à nos forums pour nous faire part de leurs réflexions, par les centaines de personnes qui ont répondu à nos enquêtes et par une centaine d’autres qui se sont prêtées aux interviews de nos partenaires universitaires au cours des années qui ont suivi la première édition, il a été le produit d’une multitude de journalistes qui ont tenté d’innover dans le contexte de la disruption économique de l’information et de la polarisation et de la fragmentation de notre culture sociale et économique. Notre objectif avec ce livre n’était pas de proposer une argumentation sur ce que le journalisme devrait être, mais d’esquisser un terrain commun pour vivre le journalisme au présent et envisager son avenir. » (p. 555)

Réfléchir, encore et toujours…

Composé de onze chapitres précédés d’une introduction dont nous pouvons dire qu’elle est magistrale au sens fort du terme, Principes du journalisme. Ce que les journalistes doivent savoir, ce que le public doit exiger nous fait vraiment vivre cette réelle réflexion résumée dans les lignes qui précèdent. D’ailleurs, l’analyse ne se présente pas comme une approche finie et encore moins dogmatique. Au contraire, les auteurs proposent une dizaine de principes qui sont à la fois des repères et des matières à réflexion :

« 1. La première obligation du journalisme est le respect de la vérité.

  1. Il doit servir en priorité les intérêts du citoyen.
  2. Il se doit par essence de vérifier ses informations.
  3. Ses praticiens doivent conserver leur indépendance à l’égard de ceux dont ils relatent l’action.
  4. Il doit exercer sur le pouvoir un contrôle indépendant.
  5. Il doit offrir au public une tribune pour exprimer ses critiques et proposer des compromis.
  6. Il doit s’attacher à donner intérêt et pertinence à ce qui est réellement important.
  7. Il doit fournir une information complète et équilibrée.
  8. Ses praticiens doivent être autorisés à obéir aux impératifs de leur propre conscience.
  9. Les citoyens aussi ont des droits et des responsabilités vis-à-vis de l’information ― à plus forte raison lorsqu’ils deviennent producteurs et éditeurs d’information eux-mêmes. » (pp. 26-27)

Les auteurs eux-mêmes se demandent : « Pourquoi s’en tenir à ces dix principes ? », et leur interrogation est d’autant plus pertinente qu’elle élargit le champ de réflexion. Néanmoins, à partir de ces dix commandements du journalisme, nous pouvons d’emblée nous demander ce que certains médias de réputation mondiale font réellement : leur travail ne relève-t-il plutôt pas de la désinformation ? Comment en douter avec tout ce que nous sommes en train de vivre, précisément de souffrir depuis le 7 octobre dernier ? Les « principes du journalisme » de base, tels qu’ils sont brillamment expliqués dans l’excellent ouvrage de Bill Kovach et Tom Rosenstiel, doivent être enseignés de nouveau dans toutes les rédactions du monde qui, comme tout l’indique, ont la fâcheuse manie de préférer le mensonge à la vérité, le deux poids, deux mesures aux valeurs de justice et d’impartialité, sans oublier certains médias « de service à la gâchette » (Léo Ferré) qui sont à la fois juges et parties, victimes autoproclamées et accusations à l’emporte-pièce.

« Vers l’autoritarisme populiste… »

Principes du journalisme. Ce que les journalistes doivent savoir, ce que le public doit exiger nous en donne l’illustration la plus limpide. Maints chapitres et sous-chapitres nous le montrent clairement, comme « De “Croyez-moi” à “Montrez-moi” » ou bien « L’indépendance en pratique » et « La réévaluation de l’indépendance », ou encore « La diversité intellectuelle est le véritable objectif ».

Nous ne dirons pas assez le bien que nous pensons de cet ouvrage qui, en dehors de son réel apport théorique et pédagogique, nous décille les yeux : rien n’est évident et tout mérite que nous nous penchions dessus : « La civilisation a donné naissance à une idée d’une force inégalable ― l’idée que le peuple peut se gouverner lui-même. Elle a créé une théorie de l’information en grande partie inarticulée pour soutenir cette idée, qu’on appelle le journalisme. Leurs destins respectifs sont liés. Ce livre tente précisément de formaliser cette théorie. Notre espoir ne réside pas dans un retour au passé, qui n’a jamais été aussi plaisant que le souvenir qu’on en garde. Notre liberté dans le siècle numérique dépend de notre capacité à ne pas oublier ce passé, ou la théorie de l’information qu’il a produite, à une époque où l’influence des technologies et des entreprises est en plein essor et où la politique s’est orientée dangereusement vers l’autoritarisme populiste en réponse à cette influence. » (p. 552)

Le livre

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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