Roman

Nadia Agsous, Nulle Terre Ailleurs

Nulle Terre Ailleurs de Nadia Agsous

Roman-fiction de Nadia Agsous 

Par Djalila Dechache

Nulle Terre Ailleurs de Nadia Agsous

Dès l’entrée du livre, après la préface, les citations de Mahmoud Darwich, les photos des magnifiques 10 portes de la ville et l’incipit de présentation qui indique comment à 2 heures du matin à Paris, on découvre un univers particulier, proche de la fiction, du rêve, de la veille, de l’illusion fantomatique où les ombres sont plus réelles que les vivants.
Le parti pris de la narratrice commence avec une vision qu’elle a, une visite qui vient habiter le bord de sa paupière, un soir-nuit de mai, une scène porteuse d’un message pour elle, une sorte de mission, un pacte conclu qu‘elle doit accomplir sans tarder parce que les morts sont éphémères sur terre…un pacte particulièrement à elle, fille d’Amazigh, fille et femme libre!
Un couple composé d’une femme, Ariha et d’un homme, le porteur d’histoire des Revenants-Résilients, issu des rescapés de la Nakba de 1948, lui tient ce langage : « je t’ai suivie à la trace dans les ruelles d’el Qods-Jérusalem et je t’ai vue photographier ces portes.Je voulais m‘assurer que tu étais digne de confiance ».
Le couple lui enjoint alors d‘écrire leur histoire, elle qui était en panne d’inspiration.

Le lecteur est alors emporté dans un tourbillon qui durera sept chapitres à Jérusalem Al Qods, la seule ville au monde, trois fois sacrée où la narratrice se rendra après un séjour précédent en 2014.

A la faveur d’une amie, Haïfa, qui va la guider, la narratrice pérégrine dans Jérusalem afin de faire une visite disons touristique.

L’amie, lui fait défaut pour une raison familiale, elle annule le rendez-vous et c’est une chance, la narratrice est alors obligée de rester seule un moment dans cette ville si chargée d’histoire, de prophètes de miracles et de mirages, enivrée par les effluves de la sauge Al Maryiamiyya de Palestine, aux nombreux pouvoirs et très appréciée.
La sauge, si bienfaisante, son usage connu depuis très longtemps, pourrait s’apparenter aux entrailles de cette terre où vivaient les Palestiniens.

L’imprévu, poétiquement nommé pour désigner le merveilleux, l‘incroyable ou l’inaccessible, se produisit alors : un couple sorti de son ventre, un homme borgne à la peau purpurine, cheveux blancs portant un couffin en Alfa contenant de la sauge et une femme vêtue d’une ronde longue, blanche et vaporeuse, brodés de fils d’or.Elle portait autour de son ventre un keffieh noir et blanc ».

C’est alors que cet Imprévu disparu « il rendit l’âme ».
Cette phrase si belle fait partie de la rhétorique du conte, de la légende, d’histoires fabuleuses pour petits et grands, qui ont traversé le monde arabe et le monde du Maghreb, par la migration, et la mobilité de populations.

A ce stade du récit on est pris dans les filets du conte merveilleux, tiré d’une mythologie méconnue, chargé de symboles et de signes, de croyances, de prémonitions, de connaissances disparues donnant au ciel et à la terre des forces enfouies et oubliées.

Le plus fort est que cela ne dérange pas le lecteur, il adhère au récit, avance avec la narratrice sans trop se poser de questions, il veut savoir et savoir davantage !
En lisant ce lisant, il a fait immanquablement écho au roman de Ghassen Kanafani « Retour à Haïfa » de 1972, toujours d’actualité hélas.

C’est là toute la force de Nadia Agsous, journaliste et conteuse de génie, où tout fait sens dans son livre, nous emmène dans cette histoire, son histoire, l’histoire de l’Humanité toute entière telle que l’avait décrite précédemment Kateb Yacine en remontant au 7e siècle avec les Berbères, à leur tête la Kahina cette femme au courage exceptionnel, repoussant les envahisseurs arabes.
La filiation avec la mission de la narratrice fait écho également avec cette citation: « Un autre jour viendra, féminin, à la métaphore transparente, accompli, adamantin, nuptial, ensoleillé, fluide, sympathique ».

(Mahmoud Darwich , Un autre jour viendra, extrait du recueil Ne t’excuse pas, Actes Sud 2004).
On sait aussi que la terre de Jérusalem Al Qods, a engendré les trois religions du Livre et que par conséquent il faut s’attendre à tout, y compris aux miracles qui pourraient advenir,qu’il est plus que temps de vivre enfin La Paix promise, rêvée, espérée, désirée et … si déchirée, si malmenée.
Comme on le voit dans ce livre, les vivants et les morts l’exhortent !

S’agissant de la préface de Max-Vega Ritter, son émotion est forte, on la sent entre les lignes, il a proposé un texte général sur la situation du peuple palestinien, il ne dévoile rien du contenu du livre, il a bien raison , le lecteur le fera, c’est son rôle.
Cet ouvrage de Nadia Agsous arrive à point nommé ( Hélas ! ) dans l’actualité mondiale, il nous permet de comprendre que la Palestine vit dans une terre qui est Nulle Part Ailleurs, et cela il faudra bien le comprendre, l’accepter et l’intégrer en la légitimant par tous, peuples et nations, une bonne fois pour toutes.

Nadia Agsous, Nulle terre ailleurs roman-fiction, Editions Mia, France, 2023.

Djalila Dechache

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